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Auteur : Nathan Gibert
Éditions : Gulf Stream
À paraitre le : 21 septembre 2023
304 pages
Thème : jeunesse
disponible sur le site de l'éditeur
et sur Amazon
Coup de cœur !
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Résumé
« Djibril est un enfant du désert. Nomade, il se déplace avec son clan grâce à des transporteurs et des glisseurs des sables, au gré des pluies courtes et rares qui font apparaître l’acheb. Cette prairie éphémère, source d’alimentation, est un véritable miracle pour les habitants du désert. Un jour, la famille de Djibril est enlevée par les hommes qui peuplent la côte alors qu’il est en exploration. Accompagné d’un robot défectueux et d’une razawak, herbivore aussi têtue que placide, le garçon se lance du haut de ses neuf ans dans la traversée d’un désert aux multiples dangers, à la recherche des siens comme de lui-même. Car l’acheb est bien plus qu’une simple prairie et Djibril n’est pas un enfant comme les autres… »
Ma chronique
Je remercie la tour Babelio pour m'avoir tiré au sort, ainsi que la maison d'éditions Gulf Stream éditions pour l'envoi de cette pépite. La couverture est superbe, ces grands yeux verts ouverts sur un monde désertique qui n'attend qu'une chose : un peu de verdure. Du sable à foison, de la fantasy en un sens, un peu de science-fiction aussi, ce conte pour adolescents (au minimum de part quelques scènes qui sont un peu dures pour les moins de 13/14 ans) m'a fait ressentir et passer par des émotions que je n'aurai pas cru, il faut bien l'avouer. Peut-être est-ce la mélancolie qui est du début à la fin dans différents personnages, peut-être est-ce dû également au fait qu'on s'attend à tellement de choses et que le final pourrait ne pas être celui que l'on imagine, à tort. Beaucoup de peut-être qui sont inexplicables, toujours est-il que j'ai pris mon temps pour découvrir l'univers de Djibril et de comprendre au mieux les enjeux et le pourquoi lui et pas un autre.
Il est clair que la couverture magnifique ne m'aide pas à ne pas adorer et donc avoir eu un coup de cœur pour ce récit qui fait énormément réfléchir. Celui du bien d'un seul être ou celui du plus grand nombre. Le cœur est un élément moteur de ce texte et pas uniquement un organe qui bat dans la plupart des thorax de nos personnages. Et je dirais même plus, il est présent même dans ceux dont le muscle caractéristiques qui nous fait vivre, nous humains, ne bat plus, ou n'a jamais battu. Il ne suffit pas de penser que c'est chimique d'aimer, d'apprécier, de ressentir, il y a bien d'autres éléments à prendre en compte. Et l'auteur nous laisse comprendre son cheminement. Parfois il suffit de bien peu de chose pour être touché et parfois un humain est capable de pires horreurs. Et puis ce mot, Acheb, que je ne connaissais pas qui m'a fait rêver une fois que nous avons sous les yeux cette merveille. Pas besoin de technologie, juste un peu de pluie, de patience, d'amour et de nature pour le voir s'ouvrir à nos yeux émerveillés. Cette oasis de verdure ne dure jamais longtemps, un peu comme les oasis tout court dans le désert qui ne survivent qu'à de rares occasions. Cet Acheb, Djibril et son cousin Idriss y vont sur un planeur, afin de profiter de ces instants, avant de retourner travailler, d'aider leur famille à avancer dans le désert. Une fumée noire au loin, le plus grand décide de partir, car il s'agit probablement de leurs "maisons", de leurs transporteurs. Un ennui mécanique, ou bien autre chose. Djibril attend patiemment. Et puis Idriss ne revient pas. Alors le jeune homme de 9 ans décide d'avancer jusqu'à la fumée noire qui envahit un peu plus le secteur. En arrivant devant le convoi, c'est l'horreur. Tout le monde a disparu, même les razawaks (un mélange de vache et de dromadaire si j'ai bien compris). Enfin non, pas toutes, une est encore là, mais elle semble folle, courant en tout sens, n'écoutant personne et pas ce petit homme qui est aussi agité qu'elle.
Et puis un robot est enseveli. Un de ceux qui sont là pour détruire, commandés par d'autres hommes, des hommes qui ne les aiment pas eux, la famille de Djibril et tout ceux qui leur ressemblent. Car les Hommes sont tous différents et vivent de manière différentes. sauf que la bienveillance n'existe pas partout. Djibril n'a pas d'autres choix que de chercher sa famille. Il ne va pas vivre seul. Un petit homme qui a une volonté de fer et qui est prêt à parcourir des kilomètres de sable pour les retrouver. Oui, mais à quel prix ? Un voyage qui ne sera pas de tout repos, car avec une razawak légèrement timbrée et un robot dont il va avoir besoin malgré lui et qui sera tout aussi coincé que lui, tout pourrait prêter à sourire si derrière tout cela il n'y avait pas cette nature verte affolante qui veut retrouver son chemin. Une aventure qui va lui permettre de comprendre que tout le monde n'est pas gentil, que parfois la vie qu'elle quelle soit doit être vécu, mais pas à n'importe quel prix. Certains choix sont faits pour être acceptés et d'autres non. Cette course à la famille n'est pas le seul thème de ce récit. Djibril va rencontrer des personnes fait de chairs et de sang. Si certains sont près à l'aider d'une manière ou d'une autre parce qu'il est celui qu'il est, d'autres sont capables de vouloir vendre père et mère pour en obtenir un morceau. Le début est rapide avec l'événement central qui chamboule tous les repères de notre petit bonhomme. Lui qui vivait tranquillement dans sa famille sans se soucier d'autre chose que de jouer et d'aider sa maman, se retrouve dans une position instable. Il est "recherché" par bon nombre de personnages. Le Bien, le Mal, il n'y a pas de blanc ou noir dans ce monde, beaucoup de gris pour atteindre la verdure. Certains personnages sont prêts à rendre les armes pour le sauver, tandis que d'autres pourraient aller loin, très loin.
Un récit qui est à la fois tendre de part le personnage de Sinah et compliqué par Amir. De nombreux personnages font leur entrée sans pour autant que cela ne soit un hall de gare. J'ai adoré les personnages de Samir et Eltaïr !Mais je ne peux en raconter un seul détail. Djibril découvre des amitiés comme des trahisons. De nombreux rebondissements parcourent son chemin qui bien que pavées d'embûches plu grosses que lui, il n'arrête pas de penser à sa famille. Et à l'Acheb, à moins que ce ne soit l'inverse : l'Acheb qui pense à lui. Les liens se forment entre les personnages humains ou non. Ce robot est intriguant, nous en apprenons plus sur lui, par les systèmes qui parlent pour lui, comme son comportement qui change par endroit. Les chapitres sont parfois pour Djibril, parfois pour cet énergumène, parfois pour d'autres. Nous avons aussi le journal de Idriss. avec ses mots, nous comprenons sa façon de penser, une mélancolie, encore, qui les tient énormément. La tendresse pour un autre protagoniste, la peur du ressenti, se chercher, se questionner. Est-ce que Djibril aura les mêmes questions ? Est-ce que lui saura quoi faire ? Quels sont les choix possibles pour eux tous ? Je pense que ce journal est très important dans le sens où lorsque vous arrivez à la fin du récit, vous comprenez que certains font des choix qui vont durer une vie et d'autres qui ne le pourront jamais. Le regard des autres, la pression, le qu'en dira-t-on et bien d'autres encore et puis la vie vaut la peine d'être vécue, mais il faut réussir à vivre pour cela. La possibilité de voir l'avenir dans une feuille, qu'elle soit de papier ou végétal est impressionnant. J'ai adoré la façon de mettre les deux en liens et de prouver que tout est possible au final. Même s'il a fallu un peu de magie, un peu de fantasy pour y parvenir. Et puis cette fin avec Idriss où une part de lui, lui revient de manière brutale, totalement inattendue.
Cela ne doit pas être évident d'écrire autant de thèmes importants (la famille, la quête d'identité, le voyage, la recherche de sa sexualité, le choix d'être égoïste ou non, la préservation de la nature) pour un public assez jeune (pas trop non plus, car il y a un peu de violence que les petits ne pourraient pas comprendre) Le mal-être des humains, la façon dont certains arrivent à s’acclimater de ce qu'ils trouvent et puis il y a ceux qui veulent retrouver un terrain comme avant. L'écologie est bien là, avec ce réchauffement climatique, avec ses idées de robotisations et de protections extrêmes. Le respect pour la goutte de pluie qui vient tardivement et qui est tant attendue. L'animal qui est sacré, enfin pas pour tout le monde, mais c'est une lutte de chaque instant, comme la place des femmes, ou les croyances de chacun. Ces us et coutumes que tous partagent avec ou sans joie, ces différences qui devraient faire un peuple unis et non des déchirures. Et puis nous avons toujours ceux qui veulent profiter de la misère des autres, du système pour plus de profit. Mais dans quoi vont-ils pouvoir vivre ? La lecture est adaptée aux ados, pas de mots trop pompeux et une fin qui en est une, pas un semblant de peut-être que. Les émotions sont présentes et le pincement au cœur arrive souvent. La peur de voir venir des événements et de les suivre. La peur de comprendre que la fin est inéluctable. La peur de ne pas retrouver cette famille et celle au contraire de la voir ouvrir les bras pour apprendre que l'Acheb est bien là. C'est tel un personnage qui hante les esprits et n'hésite pas à avoir des bras armés pour se protéger. Rien de tel qu'un chevalier en armure dans le désert pour le voir combattre d'autres armures et peut-être sauver des vies, pas uniquement celle d'un enfant ou d’une femme.
En conclusion, j'ai été happé dans ce désert pour suivre les traces de ce petit bout d'homme qui a tout d'un grand : la sagesse est la clé de tout. Djibril est un enfant qui a fait le choix de suivre sa famille enlevée pour la retrouver. Une quête qui ne s'est pas arrêtée à ce voyage, elle lui a permis également de comprendre qui il était, de rencontrer des personnages importants pour sa recherche. La tolérance, le soutien, le partage sont des valeurs importantes dans ce conte qui ne touche pas uniquement cet enfant. Toujours est-il que le livre regorge de bons sentiments comme de mauvais, il est représentatif de la vie d'une manière générale. Chaque choix que nous faisons à un impact pour nous, pour l'autre, pour l'environnement. À nous de faire le bon. Il s'agit de montrer l'ampleur d'un désastre sur tous et surtout de comprendre comment chacun d'entre eux arrive à s'en sortir en gardant ses convictions intactes. Je ne suis pas certaine que tous y soient parvenus. À vous de le découvrir ! Oh j'allais oublier, j'ai adoré les illustrations de fin !
« Ils marchèrent pendant plusieurs heures. Le robot avançait mécaniquement et le garçon le suivait. La razawak avait rechigné au début mais s'était finalement faite au rythme. Aucun mot ne fut échangé pendant tout le trajet. Le robot ne semblait pas programmé pour entamer la conversation. Quant à Djibril, il était trop occupé à échafauder de multiples plans de sauvetage de sa famille. Tantôt, il assaillait vaillamment la cité des Hommes de la côte, chevauchant Pioche et maniait une épée dorée, tantôt il s'y infiltrait discrètement, véritable ombre des sables. Il pouvait entendre la voix d'Idriss lui conseiller telle ou telle chose, mais s'y mêlait toujours celle de sa mère, lui conjurant d'être prudent. Il ne savait plus qui écouter et cessa finalement d'y réfléchir.
le désert présentait une morne richesse de paysages tous plus minéraux les uns que les autres. Des colonnes de pierre brune s'élevaient sur le chemin. Le vent avait cessé de souffler et plus un seul bruit ne résonnait dans l'immensité qui s'offrait aux voyageurs. »