• Et parfois elle revient (Nora Lake)

     Résumé   

    « « La première fois que je tombai amoureuse, ce fut d’une morte. Il était étrange de souffrir pour quelqu’un que l’on n’avait pas connu. J’étais encore très loin de savoir à quel point il était douloureux de perdre quelqu’un. De perdre une âme sœur. »

    Quand elle s’énamoure d’une violoncelliste mélancolique, elle sait que la Musicienne va changer sa vie. Et quand elle La perd, elle se retrouve seule avec la nuit et le froid. Ne restent alors qu’un cœur en morceaux, une note de musique suspendue et des fantômes. »   

     

     Ma chronique 


    Je ne me remercie pas d'être l'une des plus grande fan de cette maison d'éditions, même si j'en lis peu en ce moment, je les ai tous. J'ai découvert cette maison avec leur tout premier livre et je les suis, comme je peux parfois, mais toujours présente pour les sorties. Bref, tout cela pour dire que même si parfois ce n'est pas forcément un coup de cœur, je n'ai jamais été déçue à ce jour. Et c'est encore le cas pour ce petit livre, plus gros qu'une nouvelle, plus petit qu'un roman, il se situe entre les deux, une novella si je ne me trompe pas, mais le mot importe peu. Ici en une centaine de pages, l'auteur nous emmène sur la mélancolie d'un amour perdu. Cet amour qui est immortel quel que soit les circonstances, quel que soit la destinée de l'un ou l'autre. Un amour saphique si pur qu'il est  difficile de détourner le regard, la pudeur ? Non, c'est beau, triste et passionné, intense et fugace. Un feu dévorant qui les parcourt l'une comme l'autre, et pourtant... Pourtant nous ne suivons que l'une d'entre elle, celle qui vit entourée de mort, qui les rend beau, plus humains, plus vivants qu'ils ne l'ont jamais été. Des doigts qui permettent de rendre grâce à certains actes plus douloureux. La mort fait partie de la vie, de celle de notre héroïne qui se dévoile sans faux-semblants. Bien qu'entourée de ces hommes et femmes qui e dirigent vers leur dernière demeure, elle n'en reste pas moins vivante, assoiffée d'amour et pleine de vie. Un corps qui danse, un cœur qui bat et qui est capable de s'arrêter devant une Hjordis qui a les yeux fermés pour l'éternité et ressentir cet élan d'amour. De deviner ce qu'elle pouvait être, ce qu'elle aurait pu devenir si ce geste fatal n'avait pas été donné.
     
     
    Si la première page nous montre que notre femme est capable d'aimer au-delà de la mort, la suite n'est que des instants de vie qui nous le prouve. Elle l'a rencontrée, elles se sont connues et lorsqu'Elle a disparue, un monde s'est totalement effondrée. Le résumé donne assez de détails pour comprendre qu'il ne reste plus que notre thanatopractrice qui doit continuer d'avancer sans Elle. Mais comment peut-elle survivre à cela ? Leur rencontre fut la plus belle, deux âmes en peine en quelque sorte, deux instants de vérité raccrochés à un seul fil afin de les relier. Deux êtres dont l'une des deux cachent plus de noirceurs sans le vouloir Pas de méchancetés, juste un mal-être que nous lecteurs nous ne pouvons que ressentir. Au fil des pages tournées, nous comprenons que la relation entre les deux est subtile, infiniment douce, amoureuse et aussi bien capable de lumière comme de zones d'ombres. L'un ne va pas sans l'autre et la poésie du texte nous rappelle combien la vie est précieuse et fragile. Le deuil est plus qu'abordé puisque c'est le sujet principal. Attention, il vaut mieux être bien dans ses chaussures avant de le découvrir, et de toute manière vous allez en avoir plein les yeux et le cœur. Ce fameux coup au cœur que je lui décerne comme prix qui fait mal. Mal de ressentir cette douleur intense de la perte et de tout ce qui l'entoure. Les fameuses phases qui se suivent et ne se ressemblent pas. Tout le monde ne réagit pas de la même manière, tout le monde n'avance pas au même rythme. C'est difficile de demander au voisin de se relever s'il ne s'en sent pas capable alors que de l'autre côté de la route tout s'est passé en un éclair.
     
     
    Le deuil est tragique dans le sens où il laisse derrière lui des personnes qui ressentent un manque. Dans ce cas précis, il est affreux, dévorant tout sur son passage. L'incompréhension est là, impossible de faire autrement, les pourquoi qui viennent et ne trouvent pas de réelles réponses. Et même avec des réponses avons-nous envie de les entendre, de les découvrir ? Se perdre dans une suite sans lendemain, ne pas comprendre ce qui nous arrive, continuer à voir le ciel bleu devenir gris un peu plus chaque jour d'été. Ce récit gothique est entrainant dans les profondeurs de l'âme, celle qui est meurtrie si puissamment que rien ne semble l'aider. Veut-elle vraiment revenir à la vie ? C'est un point de plus qui est soulevé. Ne vous attendez pas à quelque chose de beau et lumineux, c'est beau ET sombre. Si sombre qu'il est facile de se laisser aller et de se dire "et pourquoi pas ?" Le côté "surnaturel" très léger, extrêmement léger n'est pas le retour d'Elle, je vous arrête de suite, mais il est présent dans les croyances, dans ce qui nous entoure, dans le fait que la mort n'est pas une fin en soi. Chacun est libre de penser ce qu'il veut à ce sujet, ici nous avons un personnage qui croit en quelque chose après la vie, qui ressent des choses, qui a une sensibilité plus subtile, plus fragile aussi, plus proche des nymphes des bois que des hommes des cavernes. Il y a de la magie dans l'air, dans l'amour qu'elles se sont portées et les souvenirs. Justement, des souvenirs que nous découvrons qui ne laissent que peu de place à l'imagination sur ce qui se passe réellement.
     
     
    C'est un amour passionnel, dévorant qui balaie tout sur son passage, même après qu'il ne reste plus que l'une d'entre elles. Celle qui reste, aurait également pu être un titre de ce récit, avec ses ressentis, ses émotions, sa culpabilité de ne pas avoir tout vu, tout compris, son espoir de peut-être l'entendre au-delà de la réalité. Le deuil n'est pas quelque chose que l'on peut cacher avec une serviette et hop c'est passé. Le temps peut ou ne peut pas arranger et dans notre cas précis, nous suivons notre petit brin de femme essayer vaillamment de trouver une solution et de pardonner comme elle voudrait SE pardonner. Des thèmes forts passant du passé au présent, de la beauté de leur amour à celui de la froide table de présentation. La colère intervient, l'envie de tout brûler sur son passage, de crier sur le monde entier, des émotions qui se mélangent, qui sont fortes et nous montre l'ampleur du désastre : celui de la perte de l'âme sœur. Car il s'agit bien de cela, la perte d'une part de soi-même, de sa moitié, celle qui nous permettait de respirer librement sans a-coups. C'est un récit marquant par les émotions fortes qu'il dégage, par le personnage principal qui raconte ses sentiments et le fait d'être perdue. J'ai adoré les références trouvées et je suis certaines qu'il y en a plus, comme la chanson modifiée de Renaud, le mythe de Perséphone qui est plus que visible et d'autres plus subtiles que je laisse le soin aux autres de découvrir. La plume est quasi magique, percutante, ne laissant pas indifférent. Et que dire de cette couverture qui est représentative de notre héroïne perdue dans ce brouillard de sentiments tous les plus horribles les uns que les autres ?
     
     
    Et que dire des lieux ? Il est vrai que tout le monde n'a pas la chance de vivre dans un manoir, mais est-il hanté ? Ou n'est-ce pas juste de l'imagination ? Vivre entre les morts, parmi eux, se retrouver auprès d'une maison qui a vécu, cette demeure princière qui n'abrite plus que des runes, des morceaux d'âmes ébréchées n'a plus le même cachet qu'autrefois. Les murs s'imprègnent de la vie qui passe, qui se construit et se détruit à petits feux. Un manoir qui a connu des familles, des amants, des amoureux et se retrouve avec ce désespoir, qui ne nous dit pas que lui aussi le vit mal ? Que cette demeure ne saura pas faire la part des choses ?  Cette absence est d'autant plus ressenti que chaque pièce lui rappelle la perte, l'absence de l'autre, cette soif de vivre amoureuse, heureuse qui s'est étiolé telle une odeur sur un linge trop longtemps porté qui n'existe plus que dans l'imagination. Une vague puissante qui nous envahit, nous engloutit totalement pour nous mettre à bout de souffle. Courir ne servirait à rien, les eaux profondes de la douleur nous rattrapent si violemment qu'il nous faut encore plus que de la vitesse. Cette lecture a été intense, rapide car courte, mais pas tant que cela. Je me suis imprégnée de ces mots et maux, ressentie la peine de la narratrice qui tente de tout faire pour la ramener à elle d'une manière ou d'une autre. Parfois il suffit de peu pour parvenir à avoir ne serait-ce qu'une simple goutte d'amour, parfois il suffit de cent grammes de papier pour tout comprendre. C'est là que le tragique intervient, que la compréhension s'enfonce profondément en soi et nous tire dans un sens ou l'autre pour nous faire prendre un chemin.

     
    En conclusion, j'ai été bouleversé et j'ai eu un coup au cœur en empoignant ce récit. Des mots sur des maux qui sont véridiques. Le deuil fait partie du quotidien, il ne laisse personne indifférent. La plume est entrainante, sombre, folle et courageuse, pervertie et magnifique. Les émotions sont exacerbées, les sentiments puissants rendant le personnage plus vrai que nature. La relation forte nous apporte aussi la faiblesse de croire que rien ne pourra l'arrêter, si ce n'est soi-même. La mort, est-ce une fin ou un début ? Le terminal d'une vie ou le début d'un renouveau ? Impossible de ne pas ressentir la moindre miette de texte, de ne pas savourer ses instants trop rares, trop précieux qui sont si fugaces lorsque le malheur arrive et emporte tout sur son passage. C'est une véritable claque monumentale, digne d'un tsunami que nous propose cet auteur sur un sujet difficile et ô combien réel. Le passé et le présent se mêlent par moment et c'est d'autant plus beau et tragique à la fois lorsque les yeux sont enfin ouvert sur ce qui s’appellera le lendemain sans l'âme sœur. Je pourrais continuer avec d'autres mots, mais je préfère vous laisser le soin de découvrir par vous même cette novella qui ne laissera personne indemne.
     

     Extrait choisi : 

     
     
    « Beaucoup se méprennent lorsque l'on parle de maison hantée. Une maison hantée n'est pas seulement une demeure où une forme étrange apparaît derrière une fenêtre à l'étage. C'est avant tout une maison soudain orpheline qui se gonfle de pleurs jusqu'à ce que son antre soit insupportable pour ceux qui restent. Comment peut-on ignorer la trace d'un deuil auprès d'une cheminée ? Comment faire face à l'empreinte sur le mur d'une photo retirée ? Comment ignorer la forme incrustée dans les draps, qui plus jamais ne seront réchauffés ? »


    Et parfois elle revient (Nora Lake)

     

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