• Les crimes du marquis de Sade, tome 1 : l'affaire Rose Keller (Ludovic Miserole)

    Les crimes du marquis de Sade, tome 1 : l'affaire Rose Keller (Ludovic Miserole)

     Résumé 

     
    « Rose Keller est sans emploi depuis plus d'un mois. En ce dimanche de Pâques du 3 avril 1768, elle est réduite à mendier sur la Place des victoires, à Paris. En acceptant de suivre, pour un écu, un jeune homme soigneusement habillé qui a besoin de quelqu'un pour un peu de ménage, la jeune femme ne peut se douter qu'elle se dirige tout droit vers l'enfer. Elle ne sait pas encore que l'homme qui vient de l'engager n'est autre que Donatien Alphonse François de Sade, celui que l'on surnommera le Divin marquis... »
     

     Ma chronique

     

    Gérard Collard indique que ce livre est excellentissime ! Je ne connais que le nom de ce monsieur pour l'avoir vu passer sur un article, (oui je suis une inculte côté identité des autres auteurs que je lis, pardon), mais je tiens à souligner que oui, ce premier tome des fameux crimes du marquis de Sade est excellentissime. Je ne suis que moi qui vous le dit, petite chroniqueuse à ses heures pas perdues, pas une illustre auteur reconnu. J'ai eu peur qu'il n'y ait débauche dans le texte, mais non et cela était juste comme il faut. Le marquis de Sade, qui n'en a jamais entendu parler à un moment donné dans sa vie ? Un homme aimant la luxure sous bien des formes qui ne sont pas bien vu au 18ème siècle et il faut bien l'admettre que certains de ces actes ne passeraient pas bien non plus à notre époque. Sade, né dans une famille bourgeoise en 1740 (oui cela ne date pas d'hier) a vécu comme il l'entendait. Sa façon de soumettre les personnes de son entourage à sa débauche n'ont pas fait que des heureux. Obligé de se marier pour éviter que sa famille ne soit sur le trottoir, il se retrouve enchaîné à une femme qui ne veut que son bonheur. Mais pour un homme de sa trempe, une soumission de ce type ne lui plait pas. Il a besoin de faire mal, d'obtenir la jouissance dans les larmes des autres. Le mieux dans cette époque, c'est la misère, car elle permet à ce marquis de piocher dans les ruelles sombres ceux et celles qui ont besoin d'un peu de réconfort, ou du moins d'une pièce pour survivre jusqu'au lendemain. Un écu, c'est à cause de cette pièce que Rose Keller va vivre un enfer, mais ce ne sera pas la première et vu la fin de ce récit, pas la dernière non plus !

    Ici il est question de la vie de plusieurs personnages, ou personnes car certains ont réellement vécu. L'auteur a effectué de nombreuses recherches et cela se ressent dans  le récit. Cette affaire n'est qu'une goutte d'eau dans la vie de notre marquis qui ne pense pas comme tout le monde, ou plutôt qui n'agit pas comme la bienséance le lui permet. Nous avons bien entendu Rose, le marquis, mais aussi Julie qui cache bien des secrets, Renée-Pélagie la femme du marquis amoureuse malgré tout ce qu'elle sait sur lui et d'autres encore qui nous montre la véritable nature de l'Homme d'une manière générale. L'époque, le 18ème siècle nous montre déjà la misère, la révolution française n'est pas loin, mais pour le moment, le peuple se soumet comme il peut. Marquis ou roi, peu importe tant que chacun y trouve son compte, tant que personne ne parle. Car il s'agit de cela, les gens savent ce qui se passent derrière les portes closes, les fenêtres fermées à triple tour et pourtant... Il suffit qu'une personne arrive à garder le peu de d'honneur pour soi pour réussir à parler, sans contrainte. La difficulté est la même que ce soit maintenant ou avant : pouvoir s'exprimer sans crainte de représailles, sans crainte du regard des autres, sans crainte d'être montré du doigt et mis plus bas que terre, alors qu'ils ou qu'elles sont déjà dans le caniveau. Cette affaire explose aux visage de la famille du marquis, sa femme, mais surtout sa belle-famille et dans le lot, sa belle-mère qui est aussi médisante que mauvaise. Le titre est ce qui fait d'eux des personnes respectables et si pour cela il faut payer, grand bien leur fasse. L'argent ne coule pas à flot, mais il semble résoudre pas mal de choses. Bienvenue dans la noirceur de l'âme humaine !

    Un mélange de la véritable histoire avec un soupçon d'imaginaire dans le texte, car bien entendu nulle le peut savoir réellement ce qui se passe dans la tête de certains personnages. De vieux écrits, des lettres, des missives, des mots couchés sur papier, les paroles qui se délient, l'auteur emmagasine énormément d'informations pour mieux nous les retranscrire. L'âme d'une personne ne peut pas profondément être si mauvaise, si ? Qu'importe ce que chacun pense, ici nous comprenons qu'il se trame quelque chose en Sade qui lui demande de faire ce qu'il fait. Il a ce besoin d'exprimer ses ressentis de cette manière. La violence dont il fait preuve aussi bien physiquement que verbalement nous amène à nous poser des questions. Est-il vraiment conscient de ce qui se passe autour de lui ? Que s'est-il passé dans son enfance pour qu'il en vienne à de telles extrémités ? Pense-t-il vraiment faire "le mal" ? Et bien d'autres encore. Au fil de la lecture, je n'ai pas ressenti de dégout, plutôt de l'incompréhension pour cet homme, ou plutôt ces hommes décrits dans le récit. Car s'il s'agit de l'histoire de Rose et de Sade, il n'en est pas moins que Julie et d'autres personnages font leur entrée de manière fracassante pour certains d'entre eux. Une époque où la femme n'est là que pour ouvrir les cuisses, s'occuper de la marmaille et se taire... Ce n'est pas tout à fait le cas, nous comprenons heureusement que des hommes ne sont pas tous des pervers ou des profiteurs, mais ils ne sont pas nombreux. Et ce n'est pas Julie qui nous contredira avec ce qu'elle va vivre, tout en pensant à sauver une femme des griffes de Sade. Une vengeance pas assez froide, une vengeance qui demande du temps et parfois court-circuité par plus fort que soi. 

    Au travers des mots, nous en ressentons pas de jugement, uniquement des faits, des pensées, de la construction et surtout une situation très complexe. Sade est un libre penseur, un philosophe à sa façon, un écrivain entre autre, un homme qui a donné son nom à un certain penchant dans l'intimité. Le marquis a beau avoir un titre, il comprend que parfois sa vie peut être en sursis. Nous comprenons également qu'en cette période, tout s'achète... au détriment de l'espoir des uns, de la vengeance des autres, des non-dits par ci ou des doigts pointés autrement. Des faits qui ont malgré tout mis à mal la réputation d'un homme et l'a poussé à des extrémités afin de garder un semblant de sérénité ailleurs, mais pour combien de temps ? Et pour qui, surtout ? La retranscription des lettres, de rapports de santé, de juges nous apportent de nombreux éléments très intéressants. Nous sommes bien dans l'ambiance de l'époque avec l'écriture, les extraits et tout ce qui fait ce premier tome. Les faits sont détestables, pas de doute possible et le pire dans tout cela ? Les conditions dans laquelle ceux et celles qui subissent se font retourner le cerveau. Je n'en dirais pas plus, il faut le lire pour découvrir toute l'horreur psychologique qui s'applique minutieusement sur les victimes. C'est riche en vocabulaire, en descriptions (mais pas trop), en comparatif entre ceux qui ont les moyens de se défendre d'une manière ou d'une autre et le peuple. Quant aux scènes qui font frémir d'horreur vu les actes soulignés, elles sont subtiles, sans voyeurisme avec juste ce qu'il faut pour comprendre jusqu'où est capable la "folie" d'un homme. Je pourrais continuer à vous expliquer certains points, mais il serait bien plus judicieux de lire par vous-même cette histoire afin de prendre connaissance de tout ce que l'auteur est capable de nous faire ressentir entre ces pages.

    En conclusion ? Le bien, le mal, la morale, l'argent, le pouvoir, les relations, l'envie, la vengeance, le Sade... Nous ne pouvons fermer les yeux sur certains personnages, ou personnes comme vous le désirez, l'oncle, le valet, le religieux, le médecin, l'avocat, la famille de Julie... Chacun des personnages a un passif qui parfois le renvois dans ses pénates. Parfois nous avons également la tête qui fait non violemment en comprenant qu'il vaut mieux taire que défaire. Mais qui a bien pu apprendre à certains d'entre eux que le silence est ce qu'il faut dans pareille situation ? Qui compte arrêter un jour ces hommes comme le marquis si personne n'ose parler ? L'histoire est vivante, on vibre avec eux, surtout avec Julie, pardon Rose de te mettre en second plan, mais Julie m'a énormément touché avec ce qu'elle vit depuis trois ans et ce qu'elle continue de vivre d'ailleurs. C'est précis et cela est difficile de détourner le regard des mots qui nous entrainent dans la noirceur des âmes. Ce ne sont plus les ruelles de Paris ou d'Arcueil dont il s'agit, mais bien de la nature profonde de l'être humain. Et cette "enquête", cette affaire, bien qu'elle aie réussi à faire du tort à la famille de notre cher marquis de Sade ne va pas non plus l'arrêter. L’histoire ne se termine pas à Rose. De nombreuses Julie risquent de se soulever et de montrer au grand jour toute l'infamie qu'un seul homme est capable de faire, avec le soutien des autres. J'ai hâte de découvrir comment l'auteur va bien réussir à faire mieux dans le prochain tome !

     

     Extrait choisi :   

     

    « Sade s'agace.
    - Qui vous dit que je les hais ? Ce ne sont pas les femmes que je déteste. Ce sont toutes les créatures de la Terre, moi compris. Cette haine qui me consume me fait mépriser la morale et me rend plus lire. Je vis avec intensité. Mais tout cela, vous ne pouvez pas le comprendre. J'éprouve un sentiment de puissance quasi divine lorsque ces corps sont à ma merci. Ils sont à moi. J'ai le droit de vie ou de mort sur eux. Point d'esprit emprisonné par des règles. Point de bienséance. Tout n'est qu'une jouissance à l’état pur.
    - Votre jouissance. Votre plaisir. Tous ces jeux ne tournent qu'autour de votre petite personne. Vous rendez-vous compte que vous risquez de tout perdre ?
    - Cessez de vous alarmer ! Il en a toujours été ainsi. C'est la loi du plus fort. Les puissants font ce que bon leur semble et les gueux n'y trouvent jamais rien à redire à condition de les gratifier de quelques monnaies sonnantes et trébuchantes. »



     

     

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