• La Cour de l'Hiver (Morgane Stankiewiez)

    La cour de l'hiver (Morgane Stankiewiez)

     Résumé 

     
    « Une fée qui s'ignore, prisonnière d'une adolescence trop normale, voit sa vie chamboulée quand elle fait la rencontre épistolaire de Csilla, une jeune femme solaire qui lui dévoile les véritables couleurs de son âme. Un roman jeune adulte entre la Bretagne, Paris et l'Alsace, et surtout, dans le Monde des Fées. »
     

     Ma chronique

     

    Un mois et quelques jours que j'ai terminé ce livre, ce récit et je n'ai toujours pas posé les mots dessus. Pas qu'il soit mauvais, bien au contraire, mais parce qu'il m'a fallu le relire une seconde fois et j'ai exactement le même ressenti qu'à la première lecture : mon cœur n'a cessé de battre la chamade devant les événements de nos héroïnes. Le résumé étant très succinct, j'ai peur d'en dévoiler de trop et indiquer juste qu'il faut lire cette histoire sans donner un minimum risque de faire tache. Pas de mesquinerie, point de "lisez parce que j'adore l'auteure !" même si cela pourrait être un bon slogan chez moi (j'en ai tellement peu d'auteurs qui auraient ce traitement de "faveur" que cela fonctionnerait parfaitement. J'ai découvert Morgane avant, dans une autre vie, dans un autre temps où les mots étaient tous sauf solitaires. Les maux étaient présents et cela se ressentaient quelque peu dans la plume. Une écriture, douce, sensuelle, terriblement attachante et une imagination fertile. Les fioritures sont peut-être là, la noirceur aussi et les doutes toujours collés au texte, mais qu'importe le sujet, l'écriture a évolué, tout comme Morgane qui nous offre le meilleure d'elle-même. Elle s'est trouvée et sa plume s'en ressent d'avantage, avec cette pointe de subtilité plus poussée, ses mots plus sombres et cette lueur d'espoir qui ne cesse de battre, comme les obstacles à abattre dans cette prison de chair et de glace.


    Deux parties composent ce récit, une plus "terre-à-terre" avec les doutes, le quotidien de notre premier personnage qui se cherche, se demande s'il est véritablement ce qu'il montre, ses études. Nous suivons ce personnage en souriant par moment, en nous disant qu'à 17 ans c'est encore jeune pour être sur de soi dans l'apparence, dans l'esprit dans son avenir qui se dessine sans réussir à être bien dans sa peau. Parce que c'est de cela que le récit nous parle en premier : le fait d'être soi-même, de ne pas ressentir de mal-être, d'être la personne que l'on veut sans avoir à supporter le regard des autres constamment. C'est le cas de cet étudiant qui est à part, comme les autres, se retrouvent ensemble sans être dans de "vrais" groupes. Pas forcément les laissez-pour-compte, mais cela pourrait y ressembler. Des êtres qui se cherchent qui ne veulent pas forcément être comme tout le monde et puis ces échanges en cours de français qui vont tout changer. Des lettres, des correspondances qui vont donner le déclic, le début d'une victoire sur soi. C'est un travail de chaque instant que nous avons, entre ce que les personnages pensent et ce qu'ils ressentent. Nulle n'est sensé être parfait, mais se sentir bien dans sa peau, qu'elle quelle soit ne devrait pas être un phénomène de foire ! Ce qui malheureusement est encore bien le cas à notre époque (voila que je parle comme ma grande-mère, de mon temps, blablabla...) Être heureuse, être en bonne santé devraient être les deux premières choses qui doivent nous appartenir. Il est vrai que le regard et les mots des autres sont parfois mesquins, un bourdonnement de mouches insolentes, un peu trop virulents, parce que cela fait peur, parce que ce n'est pas normal, parce que ??? Que de fausses excuses et ici, le récit de Morgane est tout en douceur, sans cacher les mots ni les maux, avec bienveillance.

    Bienveillance est le mot qui est resté gravé dans mon esprit tout le long de la lecture et pourtant nous avons des rebondissements, des surprises de taille et la fantasy qui arrive à la moitié de ce beau bébé (enfin un petit peu avant). Il s'agit de ressentir ce que son être a besoin et Aurore va le découvrir grâce aux échanges avec Csilla. Une gentillesse sans défaut des amies et amis d'Aurore qui va jusqu'à l'aider le plus possible pour atteindre son rêve : discuter en chair et en os avec Csilla, sa correspondante Alsacienne. Le voyage de la Bretagne à l'Alsace... J'ai été remué sans vraiment savoir pourquoi et puis un peu de moi justement. Hennebont est une ville que je connais pas mal : j'ai longtemps vécu à Baud, fait mes études à Lorient, travaillée sur Paris et visité Strasbourg et ses environs à plusieurs reprises, comme Obernai... C'est amusant, affolant et je suis retournée dans mon propre passé pour imaginer : et si j'avais eu son courage à 17 ans ? (Bon, OK je l'ai eu à 19 et j'avais le permis, mais passons). Des descriptions des lieux, de la nature, du voyage qui nous donne envie de les prendre dans nos bras et de leur dire que tout ira bien, ais sommes -nous capables de les aider si leurs esprits résistent à leur cœur ? Sans le savoir, l'auteure a su me ramener chez moi avec des thèmes forts et des mots d'une justesse affriolante. La plume est toujours aussi délicieuse si ce n'est plus (et j'ai hâte de lire ceux que j'ai acheté après ce récit), fournie, enrichissante, à la saveur pompeuse des échanges des liaisons dangereuses. Deux êtres qui ne se connaissent pas et pourtant vont ressentir un lien fort et lorsque vous aurez le fin mot de l'histoire, je peux vous assurer que ce qui est écrit noir sur blanc la plupart du temps vous touchera.


    Coup de cœur ? Oui, bien entendu, avec mes mots qui me semblent bien fades en comparaison de ceux que j'ai quitté une fois de plus il n'y a pas si longtemps que cela. Un fait qui démarre sur une quête de soi, d'identité afin de trouver son âme au pays des fées. La rencontre par le biais des lettres est un moment de pur délice, je dois bien l'avouer. J’attendais avec impatience de découvrir ce que l'autre allait écrire et puis le fil qui se casse. Le voyage, la rencontre et la bobine de fil rouge qui résiste malgré tout sans vraiment savoir pourquoi. Être ou paraitre, qu'est-ce qui est le plus important ? C'est une bonne question et chacun doit pouvoir y répondre. Point de fées dans mon arbre généalogique, si ce n'est celles que je porte dans ma peau, cet encre qui me conforte dans le monde que je veux me créer et qui semble si réel, tout comme celui que Csilla et Aurore vont devoir affronter à leur manière. Il ne s'agit pas de savoir qui est le personnage principal dans cette histoire, car dans la vie, en dehors de ces pages, nous sommes tous des personnages principaux de notre propre vie. Morgane a su insuffler de la compassion, du questionnement, de la terreur aussi, de la lassitude, une perte de soi mais le cœur lui est toujours là, quelque part. c'est lui qui nous guide et pas la raison qui nous indique quoi faire en fonction des "conventions" d'une société toujours plus stricte. L'univers ainsi crée prend son sens au fil des pages tournées. Le questionnement du début se retrouve emmêlé dans un monde imaginaire, la perception de soi varie en fonction de ce que l'on veut, de ce que l'on nous montre, de ce que l'on voit. Tant d'événements sont capable de nous transformer en ce que nous ne sommes pas si nous n'avons pas les bonnes personnes autour de nous. Les peurs se retrouvent par moment allant jusqu'à mettre un voile devant le regard d'Aurore, ce personnage qui ne verra plus l'ensemble comme avant au risque de perdre plus que sa propre innocence. Quant à Csilla, les concessions font foison, mais comme notre "héroïne" toutes deux ne se sentent pas véritablement à leur place.


    Un début que nous pourrions qualifier de "normal" surtout au vu de cette couverture qui nous promet monts et merveilles, pour pour emmener dans des épreuves insoupçonnées et ce palais si mirobolants. Telles les sirènes qui ne sont pas au port d'Alexandrie, le monde n'est pas toujours celui que l'on croit. J'ai été happé par la plume, par le récit et les engagements. Cette magie exploitée n'est que le reflet des bonnes personnes autour de nous, celles qui vont réussir à nous aider dans notre voie. Il n'est jamais trop tard pour changer, il n'y a que la mort qui le peut et le temps est parfois bien cruel de défiler bien plus vite que nous ne pourrions le penser. Les pièges sont nombreux, les obstacles aussi sous bien des formes. Certaines significations sont flagrantes, comme ces corbeaux qui portent bien leur nom. Nulle besoin d'être sorcière pour imaginer ce qui se cache réellement derrière ces ombres de malheur. Ce n'est pas un récit qui fait tout le temps rêver, il nous permet de nous poser des questions, d'ouvrir un peu plus les yeux sur notre monde, sur nous-même certes, mais aussi sur ceux qui nous entourent. Sans nous en rendre compte, le fantasy prend doucement le pas sur la réalité et le rêve qui en découle devient lentement un cauchemar. Il y a de certains souhaits qu'il vaut mieux taire, mais cela ne s'apprend qu'avec le temps. Il est souvent difficile de détourner le regard de ce que nous désirons, de peur qu'il ne s'échappe, mais si tout n'était qu'illusion ? Et si ce n'était plutôt que ce désir qui transforme ce que nous voyons en or ?


    En conclusion, la cour de l'Hiver est bien plus qu'une simple histoire pour jeunes. Il est riche dans son écriture, dans ses thèmes et enrichissant. Une plume qui fait rêver et trembler à la fois. Des thèmes forts qui devraient toujours être mis en avant avec bienveillance comme Morgane a su le faire. Les messages sont nombreux, intenses. Si certains nous entrainent sur des chemins de lumière, il ne faut jamais oublier que sans ombre, elle ne brille pas. C'est un voyage qui ne s'arrête pas à une région, un état physique ou mental. C'est un voyage qui est bouleversant de voir la façon dont le sujet est abordé, dont les personnages réagissent (et je n'ai pas parlé des parents de notre chère Aurore). Entre ces pages se cachent une profondeur à la fois sur le rêve et la réalité, sur nos désirs, sur la beauté de l'âme et l'horreur de ce qui se cache. Être soi ne devrait pas être difficile, pourtant en écoutant la société actuelle qui montre certains faits, cela ne fait que démontrer qu'il reste encore beaucoup de chemin et sans bienveillance nous ne sommes pas capable d'avancer. Un récit qui va bien au-delà de ce que j'ai pu écrire. Je peux juste tenter une fois de plus de vous envoyer vers ce "conte" qui saura déposer à vos pieds une richesse en tout point.

     

     Extrait choisi :   

     

    « Moi qui surveillait la porte toutes les trente secondes, je ne l'ai pas vue arriver. Et désormais, elle est là, réelle. Ou l'est-elle ? Mon esprit lutte pour concevoir ce que mes yeux perçoivent, incertain de ne pas chevaucher un quelconque dragon en des terres d'Orient délirant ? Elle n'a rien d'humain : sa délicate silhouette siérait mieux à une sirène échappée des ondes, sa beauté fragile et touchante, récif où le regard s'échoue. Ses cheveux, filaments tressés de ténèbres d'où perlent des flocons de neige, étoiles de cette nuit, vêtissent ses épaules couvertes d'un épais manteau de la couleur du soir. Cet écrin nocturne encadre la porcelaine de son visage ; ses lèvres rougies par le sang d'un pigment pourpre et ornées d'un éclat d'argent attirent un instant le regard, qui ne saurait y demeurer trop longtemps, tant ses yeux, deux aurores aux reflets boréaux maquillées de noir, captivent l'âme qui s'y égare, la noyant dans un vert accueillant. »

     

    La cour de l'hiver (Morgane Stankiewiez)

     

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