Les premiers mots : 

 

« Prologue

 

Lucie en a assez d’être enfermée dans les loges avec les garçons. Une pièce exiguë et quatre musiciens nerveux ne font pas bon ménage, d’autant plus quand il s’agit de ses amis. L’ambiance commence à devenir électrique, et elle préfère s’éclipser pour déambuler dans les allées du festival. Elle détaille chaque stand, s’interrogeant sur ce qu’elle pourrait ramener comme souvenirs à ses proches, mais elle finit par abandonner. Il n’y a rien qui vaille le coup. Elle s’en doutait un peu. Elle prend le temps de regarder les gens autour d’elle. Elle leur invente des vies extraordinaires et pleines d’aventures ou elle se demande s’ils sont d’ici ou bien d’ailleurs. Cela l’occupe un moment avant qu’elle décide d’aller écouter les autres groupes. Elle se laisse imprégner par les notes et les mélodies des artistes, puis se lasse. Ce n’est pas aujourd’hui qu’elle arrivera à se concentrer sur quoi que ce soit. Le stress est trop grand. Elle pensait qu’elle réussirait à l’éloigner pour un moment. Se frayant un chemin à travers le public, s’excusant à chaque fois de déranger, elle retourne vers les loges.
Tout à coup, quelqu’un la heurte. Une voix un peu cassée murmure quelques mots :
— Je suis désolée.
Lucie redresse la tête et croise les yeux de l’inconnue qui l’a bousculée.
Elle se fige. Elles se figent.
Lucie prend de plein fouet la douleur de la fille aux cheveux flamboyants qui lui fait face. Ses épaules tatouées sont secouées de soubresauts malgré ses bras serrés autour d’elle pour les en empêcher.
Elle pleure.
Et Lucie voudrait agir pour l’aider. Un geste, un mot. N’importe quoi pour lui montrer qu’elle n’est pas seule, qu’elle aussi sait ce que c’est d’avoir mal. Mais rien ne lui vient. Alors, elle lui sourit. Sans vraiment s’en rendre compte, elle tend la main vers l’inconnue pour essuyer ses larmes, mais cette dernière détourne le regard et part. Elle fuit. Lucie n’essaie pas de la rattraper, ce serait inutile. Elle regagne les loges, la mort dans l’âme... »